Les deux premiers mois de 2021 ont révélé une dichotomie intéressante. Alors que de nombreuses régions du Canada restent aux prises avec un confinement imposé en raison de la pandémie, les marchés immobiliers et financiers sont en pleine effervescence grâce à l’optimisme croissant lié à la distribution des vaccins contre la COVID-19. C’est dans ce contexte que nous avons demandé à Thomas Kim, vice-président et directeur général des marchés de capitaux de First National, de partager avec nous ses perspectives sur l’évolution récente de l’économie et des marchés et sur ce que cela peut signifier pour l’avenir. Cet entretien a été enregistré au début du mois de mars 2021.
Thomas, que pensez-vous de l’état du marché de l’habitation aujourd’hui? Il est presque suralimenté à un moment où l’économie est encore en difficulté.
Je suis d’avis que le marché est ce qu’il est. Par cela, je veux dire que les volumes et les prix sont fixés par le marché et qu’il est difficile pour quiconque de deviner ces évolutions et de décider si elles sont correctes ou acceptables sur la base d’un quelconque cadre théorique. Le Canada est un pays où il fait bon posséder des biens immobiliers. C’est un aimant qui attire des gens du monde entier et il continuera de l’être dans un avenir prévisible. Les prix reflètent également un problème d’offre.
Qu’entendez-vous par cela?
Il est difficile de mettre sur le marché une nouvelle offre de logements et c’est le cas presque partout au pays et certainement dans nos plus grandes villes. Lorsqu’il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande, les prix sont affectés.
Qu’en est-il des taux d’intérêt? Peut-on s’attendre à ce qu’ils augmentent cette année?
Nous avons déjà observé une forte variation des rendements obligataires. Les rendements des obligations à 5 ans et à 10 ans du gouvernement du Canada ont augmenté d’environ 60 points de base et la plupart de ces mouvements se sont produits en l’espace des quelques derniers jours. C’est une augmentation incroyable. Ce changement reflète l’optimisme quant au fait que l’économie et l’emploi seront un peu plus forts une fois la pandémie derrière nous et que la distribution des vaccins permettra un retour à une certaine normalité assez rapidement. Comme les rendements obligataires évoluent à travers tout, nous verrons cela se refléter dans les taux hypothécaires, sans aucun doute. En fait, nous l’avons déjà vu et, notamment, la banque centrale n’a rien à voir avec ça. Le taux à un jour de la BdC est inchangé.
Qu’en est-il de l’inflation?
Certains craignent une inflation à venir en raison des mesures monétaires et budgétaires extraordinaires prises jusqu’à présent. Cependant, ce qui est remarquable, c’est que toutes les liquidités qui ont été injectées dans le système ont en fait été injectées dans des actifs financiers. Cela ne s’est pas encore traduit par ce qu’on pourrait qualifier d’opérations du PIB, où l’on voit apparaître une inflation du type de celle qui préoccupe les banquiers centraux. Il y a encore une capacité résiduelle dans l’économie réelle, entre guillemets.
La pandémie a été déclarée il y a tout juste un an. En rétrospective, les conditions sur les marchés de capitaux se sont-elles révélées comme vous l’aviez initialement prévu?
À l’époque, j’espérais que certains soutiens économiques seraient offerts par les différents ministères à Ottawa. Je n’aurais jamais imaginé à quel point la réponse serait vigoureuse de la part de toutes les parties concernées... la Banque du Canada, la SCHL et le ministère des Finances. À tous les niveaux, le soutien a été bien plus important que ce que tout le monde aurait pensé probable ou possible. Il y aura toujours des critiques, mais on ne peut pas contester les résultats. Ces actions ont permis d’éviter un effondrement de l’économie et du marché.
Y avait-il quelque chose qui arriverait selon vous et qui n’est pas arrivé?
Oui, en février/mars dernier, je pensais que le confinement serait beaucoup plus sévère, presque plus militariste, dans un effort pour maintenir le taux d’infection le plus bas possible. Heureusement pour l’économie, cela ne s’est pas passé ainsi. Mais je pense que la société est passée d’une attitude assez blasée à l’égard de la COVID-19 en février à une attitude extrêmement préoccupée dès la deuxième semaine de mars 2020, puis à l’automne, pour ensuite revenir à une attitude presque désinvolte. Après le choc initial, l’attitude a été assez optimiste.
Les marchés de capitaux étaient également relativement calmes, jusqu’à récemment.
C’est exact. Bien qu’elle semble totalement étrangère à la réalité canadienne de l’immobilier et des prêts hypothécaires, toute la saga GameStop a fait place à une période de volatilité et de distorsion du marché. Nous le constatons également dans les prix des bitcoins et dans les rendements obligatoires qui explosent maintenant, comme je l’ai mentionné. Ce n’est pas tant le fait que ces choses augmentent, c’est la vitesse à laquelle elles augmentent qui surprend. Les grands mouvements comme celui-ci sont une indication qu’il se passe quelque chose. Il n’est tout simplement pas possible de dire ce qu’est ce quelque chose.
Alors que l’optimisme renaît et que de plus en plus de vaccins nous sont livrés, nous pourrions voir les gouvernements commencer à retirer leur soutien. Est-ce une préoccupation à votre avis?
Il est difficile de dire à tout le monde de rester à la maison en l’absence de mesures de soutien. De même, quant aux entreprises, vous ne pouvez pas dire à un propriétaire de fermer et de rester fermé sans lui fournir de l’aide. Il s’agit donc d’une préoccupation à court terme et d’un défi pour les décideurs politiques, qui doivent trouver le bon moment pour commencer à réduire les mesures d’aide.
Comment la pandémie a-t-elle changé ou mis au défi le service de trésorerie de First National et vos stratégies?
Il n’y a pas de lien direct entre le cours de la pandémie et ce que nous faisons dans le cadre de notre travail. Nous nous concentrons toujours sur l’aide dont First National a besoin pour se développer et pour connaître une année couronnée de succès.
La pandémie a-t-elle eu des effets positifs sur la façon dont vous travaillez ou dont les marchés de capitaux fonctionnent?
Le point positif est que nous avons découvert que nous pouvons travailler de la maison, tout comme nos partenaires commerciaux et les opérateurs sur obligations, et continuer à faire le travail. Il y a un an, les gens se seraient moqués de cette idée et auraient dit que c’était impossible. Ils ont eu tort. Nous sommes également beaucoup plus à même de travailler à domicile qu’il y a un an et cela est attribuable en grande partie au fait que nous avons appris à utiliser la technologie pour collaborer et communiquer ensemble. Nous devons être beaucoup plus réfléchis à ce sujet, car il n’est pas possible actuellement d’avoir des conversations autour de la fontaine d’eau ou dans le corridor.
Comment le travail à domicile est-il susceptible d’affecter la demande d’espaces de bureaux commerciaux?
Le monde ne reviendra jamais à la normale, mais cela ne signifie pas que nous aurons besoin de moins d’espaces de bureaux. Même les entreprises technologiques qui sont à la fine pointe du travail à distance continuent de faire construire des quantités massives de bureaux partout dans le monde. Elles investissent dans l’avenir parce qu’il est important d’avoir un emplacement physique. Ce sont tous les trucs invisibles, les indices culturels, qui disparaissent sans espaces de bureaux.
Voyez-vous une nouvelle direction ou perspective émerger ce printemps?
Je pense qu’au printemps et à l’été, ce sera un peu comme l’année dernière, quand tout est devenu un peu plus facile et que le nombre de cas de COVID a diminué. Il est certain que tous les prévisionnistes économiques et les grandes banques d’investissement s’attendent à ce que nous sortions rapidement du malaise actuel. Dans le marché, tout le monde se contente de regarder les mois à venir et s’attend à des temps meilleurs.
D’autres réflexions concernant 2021?
Nous nous concentrons certainement sur la titrisation et nous en faisons plus cette année, tout en étant généralement un bon partenaire. J’aime penser que tous nos divers clients – courtiers hypothécaires, emprunteurs et investisseurs – verront en First National un partenaire très stable et de confiance, sur la base de ce que nous avons réalisé ensemble en 2020. Quand je regarde en arrière, je suis fier du fait que nous n’avons pas agi brusquement, que nous n’avons rien fermé ni freiné. Comme partenaire, nous avons fait preuve de constance. Nous avons été une entreprise sur laquelle nos clients ont pu compter.
Pour en lire plus de Thomas, veuillez consulter ses commentaires périodiques sur le marché à l’adresse https://www.firstnational.ca/fr/prêts-commerciaux/ressources-et-observations.