Lutte contre le blanchiment d’argent en 2021 : questions fréquemment posées par des emprunteurs
Le blanchiment d’argent est un crime grave dans le monde entier. Dans la lutte contre le blanchiment d’argent, il est attendu que le secteur financier canadien se conforme à des contrôles de lutte contre le blanchiment d’argent (« LBA ») qui comprennent des exigences détaillées en matière de tenue de dossiers et d’identification de clients. Le non-respect de ces contrôles menace l’intégrité de systèmes financiers nationaux et internationaux et peut entraîner de graves préjudices pour la société. Depuis 2000, ces exigences ont été élargies et ont évolué sous la direction de l’unité du renseignement financier du Canada, le CANAFE. Dans le cadre de cet entretien, Taryn Kelly, gestionnaire, Conformité LBA – prêts hypothécaires commerciaux, répond à des questions fréquemment posées sur les répercussions pratiques des contrôles de LBA sur l’expérience d’emprunteurs ayant contracté un prêt commercial auprès de First National.
Taryn, quels sont les renseignements que First National doit recueillir et les emprunteurs doivent-ils faire appel à leurs avocats ou leurs comptables professionnels pour les obtenir?
Chaque souscription fait l’objet d’un processus de diligence raisonnable précis dans le cadre de la transaction dans son ensemble. Mais en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d’argent expressément, nous sommes tenus d’obtenir de chaque emprunteur des renseignements détaillés sur la propriété. Si un emprunteur n’est pas certain des détails de sa structure organisationnelle, il lui est préférable de faire appel à un avocat ou à un comptable qui pourra lui fournir tous les renseignements pertinents. Par exemple, cela fait une différence si une entreprise est détenue par une fiducie familiale plutôt que par une personne individuellement.
Lorsqu’une fiducie est actionnaire d’un emprunteur ou d’un garant, First National demande-t-il plus d’information sur les fiduciaires, les constituants et les bénéficiaires qu’une banque?
Non, nous ne demandons que les renseignements sur la fiducie qui sont stipulés dans les lignes directrices du CANAFE, c’est-à-dire les noms et adresses des constituants, des fiduciaires et des bénéficiaires. Nous voulons aussi savoir si la fiducie est discrétionnaire. Certains clients nous ont parfois dit qu’ils n’avaient jamais eu à fournir ces renseignements à leur banque ou à une autre institution financière. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que la réglementation exige que toutes les institutions réglementées recueillent ces renseignements. Notre objectif est de fournir un service adapté aux emprunteurs tout en nous conformant à nos obligations légales, et ça aide que nos souscripteurs sont parfaitement au courant des exigences en matière de LBA. Si une banque ne vous a pas demandé ces mêmes renseignements, c’est peut-être parce qu’elle les a recueillis il y a longtemps et que ces renseignements figurent déjà dans votre dossier.
Certains emprunteurs sont clients de First National depuis des décennies et vous savez bien qu’ils ne verseraient jamais dans le blanchiment d’argent. Pourquoi devez-vous néanmoins vérifier leur information?
Nous ne demandons pas à obtenir ces renseignements parce que nous craignons qu’un emprunteur puisse se livrer à du blanchiment d’argent. Pour nous, il s’agit simplement de nous conformer aux exigences relatives au besoin de bien connaître son client établies par le CANAFE. Afin de respecter la réglementation, en interne comme en externe, nous devons obtenir et consigner les renseignements nécessaires pour assurer la conformité de First National. Autrement dit, nous pensons que nos emprunteurs ne voudraient pas que nous nous engagions avec une personne si nous avions raison de penser qu’elle pourrait être impliquée dans des activités illicites. Ce serait mauvais pour le système financier, mauvais pour le marché immobilier et mauvais pour le Canada. Cela étant dit, nous pouvons assurer tous les emprunteurs que nous reconnaissons et valorisons les relations que nous construisons avec eux.
Lorsqu’un emprunteur a plusieurs investisseurs dans une propriété, êtes-vous en mesure de lui prodiguer des conseils sur la manière de remplir le formulaire d’information sur les actionnaires?
Une structure organisationnelle peut être mise en place de diverses manières, notamment en ce qui concerne la participation dans un bien immobilier ou la propriété de celui-ci. Par exemple, il peut y avoir un prête-nom en titre pour plusieurs propriétaires bénéficiaires, ou une société en commandite avec plusieurs commanditaires ou encore une société avec plusieurs actionnaires. Mon principal conseil est donc d’expliquer d’emblée la structure à votre souscripteur ou représentant de First National. Votre souscripteur peut vous aider à fournir les renseignements pertinents relatifs à la propriété qui se trouvent dans le formulaire de renseignements de prêt joint aux lettres d’engagement. Si un emprunteur possède déjà un organigramme d’entreprise, il est bon de le partager avec nous. En définitive, notre objectif en obtenant ces renseignements est d’identifier les personnes qui possèdent ou contrôlent 25 % ou plus de la structure générale de l’organisation de l’emprunteur.
Lorsqu’un emprunteur rachète la participation d’un autre associé, quels sont les renseignements dont vous avez besoin?
Nous demandons une copie de la convention d’achat ou de transfert d’actions ainsi que des renseignements et des documents sur la provenance des fonds pour le montant du rachat des actions de l’associé. De plus, nous sommes tenus de confirmer la nouvelle structure générale de l’emprunteur. Cette confirmation nous vient généralement de l’avocat de l’emprunteur, une fois la transaction terminée.
Si un emprunteur ajoute un garant au prêt en question, quels sont les renseignements dont vous avez besoin?
En plus d’évaluer la solvabilité du nouveau garant et du point de vue de bien connaître son client, nous devrons identifier le garant. S’il s’agit d’un particulier, il devra faire vérifier son identité, ce qui se fait généralement par l’intermédiaire de son procureur. Avec l’aide de son procureur, le garant remplira un formulaire de vérification d’identité par l’agent qui se veut un document assez simple, le même que celui que nous exigeons de tout emprunteur, garant ou signataire autorisé. Si le garant est une entité plutôt qu’une personne, nous devrons comprendre la propriété de cette entité et déterminer les propriétaires bénéficiaires dans un contexte de LBA, c’est-à-dire toutes les personnes qui possèdent ou contrôlent 25 % ou plus de cette entité, directement ou indirectement. Nous devrons obtenir des documents relatifs à la société/entité afin de confirmer qu’elle existe et qu’elle est en règle, d’établir la structure de propriété et de nous assurer que nous vérifions l’identité de ses dirigeants/signataires autorisés.
Si un emprunteur transfère la propriété d’un bien immobilier d’un nom personnel à une société, quels sont les renseignements dont vous avez besoin?
Nous devrons collaborer avec l’avocat de l’emprunteur afin de nous assurer que les changements appropriés sont effectués en matière de titre et de sécurité. En ce qui concerne les exigences de LBA expressément, nous devrons obtenir des documents relatifs à la société afin de confirmer qu’elle existe et qu’elle est en règle, d’établir la structure de propriété et de nous assurer que nous vérifions l’identité de ses dirigeants/signataires autorisés, s’ils diffèrent des personnes initialement identifiées comme emprunteurs.
Lorsqu’un emprunteur décède, quels sont les renseignements que les héritiers doivent fournir?
Nous demanderons une copie du certificat de décès et une copie du testament homologué pour confirmer qui hérite de la propriété. Si une succession est établie, elle prend généralement le relais en tant qu’emprunteuse jusqu’à sa dissolution, et nous devrons vérifier l’identité des liquidateurs de la succession et confirmer les bénéficiaires. Une fois la succession dissoute et la propriété transférée aux bénéficiaires, nous devrons vérifier l’identité des nouveaux emprunteurs/bénéficiaires et confirmer que la propriété est correctement documentée et enregistrée.
Y a-t-il eu des changements récents apportés aux lois sur la lutte contre le blanchiment d’argent ou à des lois connexes que les emprunteurs devraient connaître?
Oui, le CANAFE a mis à jour ses lignes directrices le 1er juin 2021 et a étendu les exigences de confirmation de l’exactitude de la propriété effective à toutes les entités réglementées. Cela inclut désormais l’obligation de déterminer les fiduciaires et toute personne qui possède ou contrôle 25 % ou plus des parts d’une fiducie cotée en bourse ou à participation étendue. Par exemple, un fonds de placement immobilier à participation étendue. Auparavant, les FPI de ce type tombaient sous le coup d’une exemption en matière de LBA.
Y a-t-il quelque chose à l’horizon que les emprunteurs devraient savoir?
Dans le secteur des services financiers, on parle beaucoup plus de transparence en matière de propriété effective que par le passé. Cela s’explique en partie par le fait que la dissimulation d’information relative à la propriété effective est une technique couramment utilisée dans les schémas de blanchiment d’argent et de financement d’activités terroristes et, en général, le Canada est considéré comme étant en retard par rapport à d’autres pays qui accordent plus d’importance à la transparence. L’identification de la propriété effective permet de lever l’anonymat des personnes à l’origine de transactions et constitue une étape importante pour atténuer le risque de blanchiment d’argent. Cela étant dit, le gouvernement du Canada a récemment annoncé son intention de mettre en place un registre de propriétaires effectifs pour les sociétés canadiennes, lequel pourrait être accessible au public d’ici 2025. Selon la façon dont ce registre fonctionnera, il pourrait permettre à nos clients et à tous les prêteurs de se conformer plus facilement aux exigences en matière de LBA et aider le Canada à identifier les blanchisseurs d’argent. Au niveau des gouvernements provinciaux, des réglementations ont déjà été mises en œuvre dans certaines provinces concernant l’enregistrement et la documentation de la propriété effective. Un exemple est l’obligation entrée en vigueur l’année dernière en Colombie-Britannique pour les sociétés privées constituées en vertu de la Business Corporations Act de la province de préparer et de mettre à jour un registre de transparence qui documente toute personne considérée comme « importante ». Un autre exemple est la Land Owner Transparency Act de la Colombie-Britannique, qui a établi un registre permettant au public d’accéder à certains renseignements sur la propriété effective d’entités qui possèdent des terres dans la province. Ces initiatives peuvent susciter des mesures de transparence supplémentaires et plus étendues.
Avez-vous un dernier conseil à offrir aux emprunteurs?
Pour que la conclusion d’une transaction se déroule sans anicroche et dans les délais, la meilleure chose à faire est de fournir à votre souscripteur ou représentant de First National toute l’information demandée dès le départ. Si nous avons des renseignements exacts d’entrée de jeu, le processus sera beaucoup plus rapide.