Classe moyenne est une expression que nous entendons de plus en plus. Cependant, il devient de plus en plus difficile de définir ce qu’est la classe moyenne.
L’expression « classe moyenne » est utilisée depuis environ deux siècles, mais ce que la classe moyenne représente pour la plupart des gens a pris forme dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. L’utilisation de l’expression s’est répandue au même rythme que la croissance des banlieues.
Où est la moyenne?
Au Canada, bien des gens s’identifient à la classe moyenne. Selon un sondage mené pour le compte du magazine Maclean’s en 2017, dans le cadre du 150e anniversaire du Canada, 70 % d’entre nous s’identifient à la classe moyenne. Un sondage Ekos mené autour de la même période établissait cette proportion à 74 %.
En économie, la classe moyenne est considérée comme le groupe de ménages se situant entre les 20 % ayant les revenus médians les plus élevés et les 20 % ayant les revenus médians les moins élevés. Le revenu médian est la valeur où la moitié des ménages gagnent plus et l’autre moitié gagne moins. Le premier ministre Justin Trudeau décrit la classe moyenne comme une famille dont le revenu totalise 90 000 $. Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, qualifie la classe moyenne du groupe de personnes dont la richesse est constituée principalement de la valeur nette qu’ils détiennent dans leur maison.
La moyenne est un état d’esprit
Il est intéressant de constater que les mots « familles » et « ménages » sont utilisés dans les définitions. Cela laisse entendre que la classe moyenne est un concept qui va bien au-delà de l’argent. Ça englobe des idées concernant le mode de vie, les possessions et les perceptions de soi. La classe moyenne est beaucoup devenue un état d’esprit.
Sans surprise, cet état d’esprit a évolué au fil du temps. À l’heure actuelle, bien des gens se considèrent comme appartenant à la classe moyenne en fonction de leur avoir net, dont une bonne partie est investie dans leur maison. Les générations précédentes avaient tendance à établir leur situation économique en fonction de leurs revenus. Avant ça, la « génération silencieuse » (formée de gens aujourd’hui âgés entre 75 et 90 ans) se considérait comme faisant partie de la classe moyenne si elle vivait selon ses moyens et pouvait gérer ses factures sans grand stress.
Le portrait universel
Il faut toutefois savoir que la vaste majorité des personnes formant ces groupes partage quelques caractéristiques en commun : deux parents, des revenus stables, une maison et des enfants. Le sondage commandé par Maclean’s pour Canada 150 suggère que 84 % des Canadiens ayant des enfants considèrent qu’ils font partie de la classe moyenne, comparativement à 70 % des Canadiens sans enfant.
Une maison détachée est un signe pratiquement universel de la classe moyenne. Nora Spinks, PDG de l’Institut Vanier de la famille, affirme ceci : « Si vous demandez à un enfant de dessiner une maison, peu importe où cet enfant vit dans le monde, il vous dessinera un carré, un toit en triangle, une porte et une fenêtre. » Ce sont des concepts très profondément ancrés.
Les plus riches de tous
En 2014, le New York Times rapportait que la classe moyenne du Canada était la plus affluente sur la planète, après avoir dérobé ce titre de la classe moyenne américaine environ quatre ans plus tôt, en 2010. Au cours du premier semestre de 2019, le quotidien a revisité le dossier. À partir de renseignements tirés du rapport sur la répartition mondiale de la richesse de la banque Crédit Suisse, le New York Times a réaffirmé que le Canada occupe toujours le premier rang. Selon le rapport, la richesse médiane se chiffre à 106 340 $ au Canada, soit bien plus que les 61 670 $ aux États-Unis. Ces chiffres incluent la valeur de l’immobilier.
D’immenses richesses
De façon plutôt contre-intuitive, cette « richesse » est peut-être en train de créer des abondances qui gonflent les rangs de la classe moyenne plutôt que ceux de la classe supérieure. La publication Fast Company a examiné ce phénomène au début de 2019. L’article cite une gestionnaire de patrimoine américaine qui affirme que l’effondrement des marchés financiers de 2008 et le mouvement « Occupy Wall Street » ayant suivi ont contribué à faire évoluer les attitudes vis-à-vis de la richesse. De citer Natalie Schmook : « […] les gens s’identifient parfois intentionnellement comme appartenant à la classe moyenne parce qu’ils ne veulent pas être des parias de la société. »
Évolution des mentalités
Bien entendu, le concept de la classe moyenne continue d’évoluer. Spinks, de l’Institut Vanier, soulève les attitudes à l’égard du coût de la vie et de l’endettement. Dans les années 1960 et 1970, la vie dans la classe moyenne était soutenue par un seul revenu et ça prenait entre 15 et 20 ans à un ménage de rembourser son prêt hypothécaire. Dans les années 1980 et 1990, mener une vie de la classe moyenne prenait deux revenus et se libérer d’une hypothèque, entre 25 et 30 ans. Aujourd’hui, faire partie de la classe moyenne requiert l’équivalent de deux revenus et demi et le prêt hypothécaire ne sera probablement jamais remboursé en totalité.
« Les retraités d’aujourd’hui traînent un solde hypothécaire au moment de prendre leur retraite. Le Canadien moyen de la classe moyenne s’est résigné à la réalité qu’il ne réussira jamais à devenir 100 % propriétaire de sa maison d’un million de dollars. Et c’est une réalité qui est acceptée pour ce qu’elle est », ajoute Spinks.
D’autres changements à venir
Les générations montantes – soit les milléniaux et la génération Z – provoqueront à leur tour d’autres changements. À la lumière des tendances actuelles, ces générations éloigneront la définition de la classe moyenne de l’argent et des objets, comme les maisons et les autos, et l’approcheront de valeurs communes et d’attitudes entourant la famille, la communauté et l’environnement.