Canada : marchés de l’habitation en ébullition et perturbations sociales – d’épargnants à débiteurs
- Financière First National SEC
L’instabilité qui règne au sein du secteur de l’habitation canadien a des répercussions sur tous les autres secteurs de l’économie. L’habitation est devenue l’un des secteurs, sinon le secteur de l’économie le plus suivi, et particulièrement par le gouvernement qui a entrepris les actions nécessaires.
Au Canada, les variations du marché de l’habitation font plus que scinder le pays en zones de croissance effrénée, de contraction préoccupante et de stagnation. Les répercussions se font en effet sentir bien au-delà de l’immobilier et ne cessent d’endommager le tissu social de la nation.
La situation du secteur de l’économie a des retombées sur tout : les finances des ménages, le marché du travail, l’immigration et la position du Canada dans l’économie mondiale.
Dans le cadre d’une série d’articles, nous nous pencherons sur ces retombées.
De sauveurs à débiteurs
En 1982, les ménages canadiens ont rempli leur bas de laine en mettant de côté 20 % de leur revenu. Aujourd’hui, ce pourcentage se situe sous la barre des 4 %. Même en tenant compte du taux d’épargne moyen depuis 1982, les Canadiens mettent la moitié moins d’argent de côté qu’avant.
Au deuxième trimestre de 2016, le ratio de la dette des ménages par rapport au revenu disponible a grimpé à un chiffre record de 168 %, et ce, en majorité à cause de la dette hypothécaire.
La dette totale des Canadiens s’élève à 1973 milliards de dollars, tandis que le PIB national est de 1972 milliards de dollars. Et le montant total de la dette comprend environ 1300 milliards de dollars en emprunts hypothécaires. La grande majorité de cette dette – près de 80 % – est attribuable aux ménages dont le revenu annuel est supérieur ou égal à 50 000 $.
C’est ainsi qu’à un moment où les principes de l’économie canadienne sont remis en cause, les décideurs politiques et économiques se demandent comment remédier à cette situation désolante. Depuis que l’économie s’est effondrée en 2008, les gouvernements et les banques du monde occidental se sont empêtrés dans les mécanismes qu’ils ont eux-mêmes mis en place afin de stimuler le marché de l’habitation et l’économie.
En abaissant le taux d’intérêt afin d’inciter la population à investir pour faire rouler l’économie, le gouvernement a créé un boom immobilier. Par conséquent, l’augmentation du prix des maisons a surpassé celle des revenus. À un certain moment, les ménages investissaient dans des maisons évaluées au double de leur revenu annuel. Aujourd’hui, les Canadiens dépensent de 10 à 12 fois plus que leur revenu, et ce pourcentage est parfois plus élevé pour les marchés les plus effervescents.
Des acheteurs acceptent de s’endetter très lourdement en cherchant à se soustraire à des prix à la hausse ou à obtenir rapidement du capital. Et ils sont si nombreux que la Banque du Canada a déclaré que les Canadiens qui investissent dans l’immobilier représentent actuellement le plus important risque économique à l’échelle nationale. Toute mesure visant à augmenter les taux d’intérêt entraînerait des défauts de paiement de la part de milliers de ménages et ferait en sorte que le marché immobilier, en s’écroulant, entraînerait avec lui tout le reste de l’économie.
Dans son dernier sondage sur l’endettement, un des plus importants prêteurs canadiens mentionne que de nombreux ménages sont au bord du gouffre : un répondant sur trois reconnaît avoir été pris au moins une fois au dépourvu pour des dépenses mensuelles régulières durant les 12 derniers mois; un sur trois s’attend à toujours payer son hypothèque au cours de sa retraite; et seulement quatre répondants sur dix prévoient avoir assez d’argent pour planifier leur retraite.
Ros Altmann, célèbre experte anglaise des politiques relatives à la retraite, a décrit les politiques à faible taux d’intérêt comme « une expérimentation sociale indéniable » – un transfert massif de richesse des aînés aux jeunes, autrement dit, du sauveur au débiteur.