Le nouveau budget fédéral a attiré beaucoup d’attention en raison des fonds qui y sont affectés pour permettre aux acheteurs d’une première habitation, particulièrement parmi les milléniaux, de faire leur entrée dans le marché du logement. Ce qui a passé sous le radar dans une certaine mesure est l’intensification des mesures gouvernementales visant à suivre les transactions immobilières de plus près.
À peine quelques jours après le dépôt du budget, la section canadienne de Transparency International rendait public un rapport cinglant sur le blanchiment d’argent dans le secteur canadien de l’immobilier. (Lisez le rapport de TI Canada – en anglais seulement.) L’organisation travaille à exposer la corruption gouvernementale et commerciale partout dans le monde.
Transparency International Canada a l’immobilier canadien dans sa mire depuis un certain nombre d’années, et il s’agit du plus récent d’une série de rapports sur les risques d’activités criminelles dans ce secteur.
Le rapport indique que l’immobilier canadien est particulièrement attrayant aux blanchisseurs d’argent de ce monde en raison de sa stabilité, des récents niveaux de rentabilité ainsi que des efforts laxistes déployés au Canada pour identifier qui est le réel propriétaire d’un immeuble donné. Au Canada, de prétendus propriétaires bénéficiaires peuvent dissimuler leur identité en faisant enregistrer le titre de propriété au nom d’une société, d’une fiducie ou d’un propriétaire apparent. Un propriétaire bénéficiaire est décrit comme la personne physique qui détient ou contrôle une propriété ou encore y exerce ultimement un contrôle effectif.
Le rapport, qui porte sur le Grand Toronto, a examiné près de 1,5 million de transactions immobilières réalisées depuis 2008. Quelques observations :
- Des personnes morales ont acquis pour 28,4 milliards de dollars de logements dans le Grand Toronto. Dans la plupart des cas, il s’agissait de sociétés privées et aucun renseignement n’était disponible sur leur propriétaire bénéficiaire.
- Des habitations d’une valeur totale de près de 10 milliards de dollars ont été achetées en argent comptant. Dans bien des cas, cela a permis à l’acheteur de se soustraire de tout contrôle anti-blanchiment d’argent.
- Des prêts hypothécaires résidentiels d’une valeur totale de plus de 25,4 milliards de dollars ont été consentis par des prêteurs non réglementés n’ayant aucune obligation que ce soit en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Près de la moitié de ces prêts hypothécaires ont été consentis à des personnes morales.
(Ce dernier point est susceptible d’intéresser les professionnels hypothécaires à la lumière de récentes statistiques qui témoignent d’un recours accru à des prêteurs privés.)
TI Canada formule plusieurs recommandations qui permettraient de supprimer ces échappatoires. En voici quelques-unes :
- l’identification obligatoire des propriétaires bénéficiaires;
- l’expansion des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent aux courtiers hypothécaires, aux prêteurs hypothécaires non réglementés ainsi qu’aux assureurs de prêts hypothécaires et de titres de propriété entre autres;
- le développement d’outils d’application de la loi permettant le recueil de renseignements ainsi que la saisie de tout immeuble acquis illégalement.
Cependant, certaines dispositions du nouveau budget semblent viser la perception d’une plus grande part des droits perçus dans le cadre de transactions immobilières. En effet, le budget alloue 50 millions de dollars sur cinq ans à l’Agence du revenu du Canada afin d’éradiquer l’évitement fiscal impliquant :
- la déclaration de la vente d’une résidence principale;
- le paiement d’une juste part d’impôts dans le cas de la vente d’une résidence secondaire;
- la déclaration des gains réalisés à la revente d’une propriété achetée à des fins de rénovation (flip immobilier);
- la déclaration des commissions de vente de maisons comme revenus imposables.